« La Vérité, l'âpre Vérité »

La Chine : Morale et économie ne font pas bon ménage

  • 13 septembre 2015

La crise économique qui secoue actuellement la Chine a de nombreuses origines : surcapacités industrielles massives, faiblesse de la demande intérieure, bulle immobilière avec sa trainée de biens neufs sans acheteur et de constructeurs noyés sous les dettes, faiblesse des exportations en zone euro du fait de la dépréciation de la monnaie européenne, surendettement des collectivités locales (villes et régions), difficultés pour faire rentrer l’impôt, expatriation des chinois les plus riches, baisse du prix des matières premières, … Chaque économiste a son avis sur le sujet et chacun présente son analyse comme la plus pertinente.

Mais on entend très peu de voix en Occident évoquer la raison chuchotée à travers toute la Chine : la corruption et la croisade d’épuration entreprise par le président actuel.

De tout temps, la corruption a été l’huile qui permet aux rouages de l’énorme machinerie chinoise de fonctionner. C’était vrai du temps des empereurs. C’est resté vrai sous le régime communisme. Et c’est encore plus vrai aujourd’hui.

Jadis, tout ordre émanent de Pékin était disséqué. Chaque étage du pouvoir essayait de maximiser le profit personnel qu’il pouvait en tirer. In fine, tous les étages étaient arrosés. Si aucun profit ne pouvait être envisagé, l’ordre était ignoré. Cette pratique a ainsi conduit à une organisation centralisée de la corruption, seul moyen pour faire avancer les réformes de l’état.

Une autre habitude ancestrale du pouvoir chinois consiste à lancer régulièrement des campagnes anti-corruption. La justice étant dans les mains du pouvoir, ces campagnes n’ont pour but que de se débarrasser des gêneurs qui sont accusés de corruption, sans être ni plus ni moins corrompus que les autres. C’est le modèle des procès de Moscou qui est utilisé à grande échelle.

Comme chacun des dirigeants chinois avant lui, l’ancien président Hu Jintao avait lancé une campagne anti-corruption. La timidité de cette campagne n’avait toutefois produit que de maigres résultats. Il est vrai qu’il était assez peu motivé pour trop remuer la boue ambiante car ses amis et sa famille sont réputés pour avoir exilé hors de Chine des centaines de millions de dollars. Il reste intouchable mais jusqu’à quand ?

Le nouveau président Xi Jinping a hérité d’un contexte difficile. Son élection a été contestée et des factions se sont élevées contre lui. Il a lancé dès son accession au pouvoir une vaste campagne anti-corruption, ce qui n’a pas empêché son entourage de s’enrichir, notamment grâce à la spéculation sur les terres rares. Plus de 300 millions de dollars seraient en jeu.

Les têtes de hauts dignitaires sont tombées, en commençant par le très puissant Bo Xilai et son épouse. La chute de Bo Xilai a provoqué un cataclysme car elle est contraire à toutes les traditions du régime qui jusqu’alors ne frappait jamais les princes rouges. Xi Jinping a demandé à la justice chinoise de frapper en aveugle en appliquant la tolérance zéro,… sauf pour les protégés du pouvoir.

La main de fer de Xi Jinping s’est abattue sans pitié sur ses ennemis. Les premiers frappés ont été les cadres du Parti Communiste Chinois avec 37 000 arrestations à travers le pays. Ont suivi les cadres locaux avec plus de 30 000 arrestations. Sont venus ensuite les cadres des entreprises publiques avec 21 000 arrestations.

La décapitation a été brutale et massive. Les têtes du parti, des sociétés pétrolières, des banques et des assurances, de l’armée, de la télévision, des groupes immobiliers, des régions, des mairies,… ont été tranchées, au sens figuré mais aussi parfois au sens propre avec quelques exécutions capitales savamment médiatisées. Pour les plus chanceux, les condamnations à mort ont été muées en peines de plusieurs dizaines d’années de prison et à la spoliation de tous les biens détenus.

Une fois les têtes coupées, l’appareil d’état et l’outil économique sont tombés aux mains des second et troisième couteaux. Leur préoccupation principale a été de passer inaperçu et de se faire oublier car eux aussi sont tous corrompus.

La conséquence de cette purge est une absence totale de leadership économique, administratif et politique en Chine. Beaucoup de sociétés et d’administration critiques sont aujourd’hui comme des canards sans tête. Elles sont dirigées par des sous-fifres peureux et sans dynamisme. Les risques sont éliminés et les projets sont abandonnés.

La bureaucratie n’a plus rien à gagner à faire son travail avec diligence. Le salaire moyen d’un haut fonctionnaire est aujourd’hui plafonné à moins de 10 000 euros par an, alors qu’il pouvait être de 10 à 100 fois supérieur grâce à la corruption. Résultat : la Chine stagne.

La lutte contre la corruption a bien sûr des aspects bénéfiques car les abus étaient patents. On se souvient de ce général qui faisait payer à ses subordonnés chaque promotion avec un lingot d’or. Le subordonné payait lui-même ce lingot grâce à l’argent de la corruption, lié notamment à la vente de fournitures de l’armée. On se souvient aussi de ce cadre du parti qui avait amassé plus d’une tonne de billets de 100 RMB.

Chacun avait sa manière d’utiliser l’argent de la corruption : certains dépensaient sans compter, d’autres thésaurisaient, d’autres enfin jouaient en bourse. Les petits porteurs qui se sont enrichis pour jouer sur la bourse de Shanghai sont aujourd’hui ruinés.

Ne nous y trompons pas : la corruption et l’épuration entreprise par Ji Xinping jouent un très grand rôle dans le marasme actuel de la Chine.

La question est de savoir si l’économie chinoise peut fonctionner sans corruption. La réponse est probablement non.

 

CLUB DANTON

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