Depuis plus de 40 ans les idéologues de l’éducation propagent les idées de Mai 68. La doctrine égalitariste issue de 68 se résume ainsi : l’instruction a fait place à l’éducation, la transmission des savoirs à l’auto-apprentissage et à l’épanouissement.
Les enseignants sont jugés non pas sur les résultats de leurs élèves mais sur la conformité à la doctrine du moment. Plus un apparatchik de la rue de Grenelle s’est éloigné d’une salle de classe et des élèves, plus il se montre intraitable sur les principes.
L’éducation nationale est un peu comme une armée en déroute : ce sont les planqués qui définissent la stratégie et font la loi tandis que ceux qui sont au front devant les élèves n’ont rien à dire.
On a vu apparaître l’apprentissage multi sensoriel, une démarche proche de la « métacognition » de Philippe Meirieu. Pour ce dangereux théoricien, l’élève doit être épistémologue de ses propres savoirs (sic). A l’école des fous de Meirieu, il n’y a pas de notes, car toute évaluation a valeur de sanction. Pour Meirieu une mauvaise note signe l’échec de l’enseignant. L’orthographe est considérée comme une violence à l’encontre des élèves : on parle maintenant « d’atelier de négociation orthographique ». Evidemment ce que ne dit pas Meirieu c’est que les élèves qui ont été éduqués dans son école des fous n’ont aucune chance d’intégrer une grande prépa ou une grande école car à un moment donné le savoir réel, la connaissance technique et les notes sont les seuls critères qui comptent.
Les classes de niveaux ont été supprimées: d’après les sociologues, l’hétérogénéité est la meilleure garantie du succès pour tous. Mais en pratique ? Lorsque l’hétérogénéité est difficile à appliquer à cause du jeu des options et des langues (les meilleurs choisissent souvent latin et allemand) Meirieu préconise « les réseaux d’échange réciproque du savoir ». Exemple : « tu m’apprends la proportionnalité et je t’enseigne les pronoms relatifs » : angélisme ou aveuglement ?
La réforme du français (1996 pour le collège, 2000 pour le lycée) a été un summum d’absurdité. Avant, les élèves apprenaient la structure d’une phrase en sujet, verbe, complément. Maintenant nos pédagogues ont introduit leur vocabulaire de cuistre : situation d’énonciation, adjuvant, adjuvé, schéma actantiel, schéma narratif,… Les élèves ne comprennent rien et les parents ne peuvent plus les aider. Dans cette nouvelle approche purement idéologique, l’accent porte sur le discours et l’argumentation. Le tract d’un parti politique et un passage de Voltaire sont ainsi mis sur le même pied. « Le Dormeur du Val » n’est plus qu’un manifeste antimilitariste. Comme l’avoue Meirieu, étudier la notice d’emploi d’une machine à laver a autant de sens qu’étudier Balzac !
Grammaire, orthographe, conjugaison, lecture sont des vocabulaires du passé. Désormais dans la Novlangue des pédagogues, on parle de « l’observation réfléchie de la langue » (ou ORL, non ce n’est pas le nom d’une maladie…). L’apprentissage des tables de conjugaison est devenu interdit. Les pédagogues des IUFM ont inventé « la dictée à l’adulte ». Pour éviter d’imposer à l’élève la violence de l’orthographe, ce sont eux qui dictent un texte de leur cru à l’enseignant.
Evidemment les établissements privés et les lycées de haut niveau ignorent superbement ces directives idéologiques. Les autres sont bien obligés de subir.
Tout commence à l’IUFM. Ils n’ont pas été supprimés et se portent mieux que jamais. Intégrés désormais aux universités, ils sont peuplés des mêmes créatures que par le passé. On ne change pas une équipe qui perd ! Le message délivré est désespérant : il faut s’adapter au niveau très bas des élèves et leur supposée réticence à fournir le moindre effort. Les séances de formation ressemblent à des sessions des Alcooliques Anonymes. Voici quelques-unes des recommandations entendues en IUFM : ne pas apporter de savoirs car ça ne sert à rien, ne pas ennuyer l’enfant, amuser les élèves, leur demander de s’auto évaluer.
La formation des professeurs est devenue ubuesque. En théorie les jeunes professeurs sortant de leur formation sont affectés à temps plein dans une classe. Voici la pratique :
– de la rentrée à la Toussaint, le nouveau professeur n’est pas dans sa classe mais dans celle de son tuteur,
– les élèves voient leur professeur en titre de la Toussaint à Noël,
– après Noël, ils voient apparaître un stagiaire : le professeur stagiaire pilote le stagiaire étudiant ! Pendant un mois le professeur disparait pour suivre une formation et il laisse la classe à l’élève stagiaire.
Les élèves auront ainsi vu défiler pas moins de trois enseignants différents pendant l’année. Ceci évidemment sans remplacement éventuel pour congé maladie.
Quelles sont les belles âmes qui prétendent encore que l’élève doit être au cœur du système : ce n’est en fait qu’une variable d’ajustement, un cobaye sur lequel on teste de nouvelles dispositions tout aussi éphémères que le ministre qui les a imaginées !
Et puis il y a l’inamovible Gérard Aschiéri qui a déjà usé 5 ministres et qui a la tête de la FSU est le garant de la défense des avantages acquis.
Et que fait le pouvoir politique dans tout cela. La triste réalité est les politiques sont impuissants et manifestent peu d’intérêt pour un sujet sur lesquels il n’y a que des coups à prendre : les syndicats sont en embuscade permanente, les parents jamais contents et les élèves toujours prêts à se mettre en grève. Comme l’a dit Gilles de Robien : « l’éducation nationale est un ministère où il est impossible de se mettre en valeur sauf en pratiquant la démagogie comme Lang qui crée 50 000 postes non budgétés en deux ans ou Bayrou qui ne fait strictement rien d’autre que répéter qu’il aime les enseignants ». C’est sous Bayrou que la réforme du français au collège, l’une des plus néfastes des 30 dernières années est passée. Bayrou se défend en indiquant que c’est son administration qui l’a faite. Triste aveu ! Pour durer sans froisser personne, il lui arrivait de jouer au ping-pong dans l’abri anti-aérien de la rue de Grenelle.
Pour comprendre cette inaction politique il suffit de réaliser qu’un petit tract glissé dans le casier de liaison touche immédiatement 9 millions de parents, donc 9 millions d’électeurs. Cela tempère la bravoure de beaucoup d’audacieux.
Et puis il y a l’éternel débat sur les effectifs. Essayons de regarder objectivement la situation française. Voici les chiffres tels que publiés par l’Education Nationale :
– Nombre d’élèves dans le public primaire/secondaire en 2010 : 9.952.681
– Nombre d’enseignants : 804.043
– Absentéisme moyen dans le public 12% (6% dans le privé !) – 96.485
– Enseignants effectivement en poste : 707.558
Or, d’après le ministère, l’effectif moyen des classes du public en primaire et secondaire est de 23,4 élèves par classe. Ce nombre tient compte des spécialités qui s’exercent en groupe. Cela signifie que 425.328 enseignants sont nécessaires. On en conclut qu’il y a en permanence 282.230 enseignants qui n’enseignent pas ou en tout cas ne sont pas devant des élèves ! Et ce calcul tient déjà compte de l’absentéisme.
Cet énorme gaspillage est pour l’essentiel dû à la désorganisation et au laxisme d’une énorme machine impossible à gérer. Qui peut gérer efficacement près d’1 million de personnes ? Evidemment ce système est promu et défendu par les syndicats qui y trouvent leur fonds de commerce. Seule la décentralisation peut apporter une réponse et bien sûr les syndicats la combattent farouchement.
Une autre manière d’aborder le sujet concerne le temps de travail des enseignants par semaine. La récente étude publiée par l’OCDE montre que les enseignants français du second degré travaillent bien moins que leurs collègues allemands, anglais ou espagnols : 628 heures en France, contre plus de 700 heures ailleurs. La durée de travail des enseignants du secondaire a été fixée par décret en 1950 et n’a jamais évolué depuis (merci la FSU) : 15 heures pour les agrégés et 18 heures pour les certifiés. Les syndicats enseignants refusent depuis plus de 40 ans toute flexibilité et toute annualisation de leur temps de travail.
Et puis il y a ce mythe du temps de préparation des cours, de correction des copies, de partage avec les autres professeurs, de réunion avec les parents, qui soi-disant ferait passer le temps de travail effectif des enseignants à plus de 35 heures.
Regardons la réalité telle que vécue par des millions de parents d’élèves. Un jeune prof va probablement passer du temps à préparer ses cours les 2 ou 3 premières années. Mais après ? Les profs se contentent de répéter chaque année leur cours de l’année passée. Qui pourra faire croire qu’un prof expérimenté passe plus de 1 à 2 heures par semaine à préparer ses cours. Parlons de la correction des copies. Dans le meilleur des cas, un prof donnera un devoir tous les 15 jours (certains profs de philo en donnent un par trimestre !). En imaginant qu’il passe 15 minutes sur chaque copie, cela représente 4 à 5 heures de travail par semaine. Et ceci uniquement pour les profs consciencieux (heureusement les plus nombreux). Mais il y a ceux, en philo par exemple, qui utilisent pour corriger les copies la célèbre méthode de l’escalier : jeter les copies d’un geste leste en haut d’un escalier de 16 marches et noter en fonction de la marche atteinte !
Si on ajoute 1 à 2 réunions avec les parents d’élèves par an et quelques heures de concertation avec les autres professeurs par mois, on arrive péniblement et dans le meilleur des cas à une petite dizaine d’heures pour toutes ces activités hors cours. La moyenne horaire hebdomadaire d’un prof du secondaire est ainsi entre 25 et 28 heures au grand maximum.
Comme l’a révélé récemment un article des Echos, faire travailler les professeurs seulement deux heures de plus par semaine représenterait l’équivalent de plus de 40.000 postes.
Evidemment, le mammouth ligoté par les syndicats tout puissants ne veut surtout pas bouger. Au contraire, il propage une désinformation éhontée en demandant contre toute logique des temps de travail plus faibles, des classes allégées et des décharges pour les profs. Plus c’est gros, plus ça passe. Ubuesque !
Faisons un rêve. Pourquoi ne pourrait-on pas :
– Demander aux enseignants de travailler 2 heures de plus par semaine,
– Introduire de la souplesse dans les horaires hebdomadaires,
– Echanger des horaires dans une même classe en fonction des absences,
– Annualiser le temps de travail des enseignants,
– Demander une plus grande polyvalence aux enseignants,
– Instituer au collège le principe que deux enseignants principaux suffisent : un littéraire et un scientifique,
– Demander aux enseignants qui ne donnent pas de cours de faire de la surveillance.
Tout ceci, ou une grande partie, Claude Allègre avait voulu le faire. Jospin, un apparatchik aux ordres des syndicats, l’a tué. Devant l’obstacle, courage, fuyons !
Mais pour que quoi que ce soit bouge, il faudrait que nos syndicats aient pour but premier l’éducation de nos enfants et non la défense des avantages acquis et un corporatisme populiste. Il y a hélas peu d’espoir. Il nous faudrait une Margareth Thatcher de l’éducation nationale !
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